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Team for the Planet : La conscience commune comme passage à l’action

Sarah Bruzzese
11/10/2023
Interview
Arthur AUBOEUF
Cofondateur de TEAM FOR THE PLANET
Dialogue avec des dirigeants à impact

« La mission doit être plus forte que les individus pour permettre à une entreprise de rester pertinente, même si cela implique de renoncer à certaines activités obsolètes et d'accepter le changement »

Bonjour Arthur, peux-tu en quelques mots te présenter et nous parler de Team For The Planet ?

Je suis un humain optimiste fan de nature, de sport et d'entrepreneuriat. Et c'est ça qui m'a conduit aujourd'hui à être un des cofondateurs de Team For The Planet. Team For The Planet est un moyen d'action citoyen pour lutter contre les gaz à effet de serre à l'échelle mondiale en utilisant le levier de l’innovation. Le pouvoir du collectif est un élément pour accélérer notre mission encore plus efficace que le fait d'investir de l'argent ou de recruter de très bons entrepreneurs. Cela nous aide à sélectionner les meilleures innovations partout dans le monde. 

Nous voulions utiliser les armes les plus puissantes du système pour mettre tout ça au service de l'urgence climatique : l'entreprise, l'argent, le marketing et l'intelligence collective. L'intelligence collective est un ingrédient que nous avions sous-estimé. C’est en réalité le liant et c'est vraiment surpuissant. On a aujourd’hui un peu plus de 120 000 actionnaires que l’on peut solliciter pour accéder à n'importe qui et à n'importe quel moment. 

Comment ce sujet spécifique de « conscience commune » s’inscrit dans la vision de Team for the Planet ?

En 2023 tout se sait, le sujet c'est de créer la confiance. C'est un énorme défi pour les entreprises dont la confiance a pu être cassée par le passé et est très difficile à recréer. La confiance passe par la transparence absolue. Tout doit être public. Nous sommes dans une période de l'humanité où il est trop compliqué de générer de la confiance sans transparence. Il faut que les dirigeants qui seront scrutés, qui seront challengés, soient sincères. C'est ce qui fait le socle d'un projet qui peut fédérer et ensuite il faut responsabiliser chacun avec une posture d'humilité. 

C’est la fameuse raison d'être finalement, à quoi sert mon entreprise ? On ne sait plus pourquoi certaines entreprises existent, ça paraît fou et pourtant plein de personnes aujourd'hui ne savent pas dire à quoi sert leur entreprise. Tu ne peux pas engager des collaborateurs, des parties prenantes, des clients sans leur dire à quel projet ils contribuent et en fait c'est ça le vrai sujet : quel est le projet ? 

Tout est histoire de communauté, c’est finalement le fil rouge de ton parcours, et c’est aussi la clef de succès de Team For The Planet, quelle définition donnes-tu à cette notion ?

Je pense que le premier point est qu'il ne faut absolument pas confondre une audience et une communauté. Les marques, elles ont des très belles audiences. Une communauté c'est un ensemble de personnes qui a un projet commun et qui a donc envie de s'activer pour qu’il puisse se réaliser, c'est tout. Elles ne se ressemblent pas, elles ont juste un projet commun. Et donc dans le cadre de ce projet, elles sont prêtes à agir ensemble. Elles sont prêtes à être fédérées et elles sont prêtes à collaborer. On a besoin de projets pour pouvoir faire communauté et faire société. 

Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises n'arrivent pas à construire des communautés parce qu'elles n’ont dans le fond pas défini leur projet.

En développant cette communauté citoyenne, quels sont les principaux objectifs que vous espériez atteindre ?

Je crois que nous n’avions pas d'objectif. Cela fait un peu peur de dire ça, mais on s'est dit, on va faire ce qui nous semble être le plus juste, le plus aligné, le mieux. Et si on est tout seul, on le fera quand même. On n'a jamais vraiment mis d'horizon. On s’est toujours dit à 2030 il faut qu'on arrive à avoir 100 entreprises. Pour cela, on fera de notre mieux, peu importe ce qui arrive ou pas, parce que de toute façon, ce n’est pas l'objectif, mais le chemin qui compte. Maintenant on est très content d'avoir plus de 100 000 actionnaires, on a vu tellement de choses changer, tellement de regards sur nous changer, je pense qu'on participe un petit peu à faire se questionner certaines institutions.

Comment mesurez-vous le succès du projet ? 

Nous le mesurons constamment, en espérant d’une année sur l’autre arriver à des chiffres de plus en plus gros, parmi nos outils le dividende climat, donc le nombre de tonnes de CO 2 non-émis ou capté sur lequel nous n’avons pas donné véritablement d’objectifs mais nous voulons faire le plus possible.. Ce qui est très clair pour nous, c'est qu'il faut avoir lancé 100 entreprises. Tu soulèves un point important c'est qu'il faut avoir un plan, il faut avoir une direction mais je ne pense pas qu'il faut nécessairement avoir besoin de le dire de manière extrêmement précise et chiffrée, parce que tu as aussi le droit de ne pas savoir.

« Je suis convaincu que l'humain est beau, n'importe qui a du potentiel, n'importe qui peut faire des choses incroyables. »

Peux-tu nous partager des actions significatives pour créer et fédérer la communauté TFTP autour d’un objectif commun ?

On a passé pas mal de temps à rédiger le chemin pour que les gens comprennent bien. On a essayé d'être très clair et de mettre dans nos statuts un certain nombre de choses. On vulgarise beaucoup, on le rédige et ensuite on donne des armes à chacun pour justement être un bon ambassadeur et pouvoir être capable de mener ses actions. 

L'humain est beau, n'importe qui a du beau en lui et tout le monde a envie de faire une bonne action. Si elle n’est pas trop complexe et c'est ça le sujet, il faut rendre l’engagement facile et donc là on a essayé nous, de donner vraiment de la matière à chacun en permanence pour les aider à aller porter la parole de Team for the Planet, donc créer des contenus les plus simples possibles, les plus évidents et les plus faciles à partager. 

Le cerveau humain est un « cerveau casino » surtout sur le climat, ce n’est pas rationnel, c'est mon bilan en 3 ans et demi tu peux sortir tous les chiffres, tu peux faire toutes les démonstrations factuelles par A + B elles sont juste irréfutables, ça ne marche pas. 

" Ce qui marche, c'est d'emmener les gens dans un projet qui les galvanise, où il y a de l'énergie. Il faut sortir de la dimension factuelle parfois, et il faut vraiment être sur la dimension émotionnelle et le plaisir d'être dans un challenge collectif. "

Vous avez fait le choix d’une communication très présente sur les réseaux et le choix d’une transparence sur toutes vos actions et celles des participations financées par Team For The Planet, cela n’a pas toujours été simple de démontrer le fond derrière la forme. Dans une certaine mesure, c’est une difficulté rencontrée par de nombreuses entreprises lorsqu’elles prennent la parole : comment gérer le juste dosage entre communication, action et légitimité ? 

C'est vrai que c'est complexe. Tu ne peux pas prendre la parole sans être parfait, c'est impossible, personne ne peut être parfait dans un système qui n'a pas fait sa propre mutation, je pense à nouveau qu’il faut être juste sincère. Tu ne peux pas faire l'unanimité, ça n'existe pas et c'est d'ailleurs très sain. Si tu es vraiment sincère il n'y a pas de problème à dire : on n'en est pas encore très satisfait, mais on a commencé. On avance dans cette voie et on est en chemin. C'est tout le sujet des entreprises de s'entendre avec le département marketing sur le fait qu'aujourd'hui ce qui marche aussi c'est de certes fêter les victoires mais de toujours garder un aspect modeste parce qu'en réalité, on est sur des sujets tellement énormes que personne ne peut vraiment faire une révolution. 

Le nouveau « bon Buzz », c'est aussi l'humilité, donc il faut le voir comme une opportunité.

« L'entreprise est l’outil de collaboration le plus avancé que l'humanité ait jamais mis sur pied. »

TFTP, s’inscrit aujourd’hui comme un cas d’école sur des enjeux que rencontrent de plus en plus les entreprises : d’attractivité, de rétention, d’engagement, de collectif et de vision commune. Quels conseils donnerais-tu à ces dirigeants qui envisagent de mener un projet similaire au sein de leur entreprise, notamment pour embarquer sur des enjeux RH et RSE ? Y a-t-il des leçons apprises pendant la réalisation de TFTP que tu aimerais partager ?

Je ne pense pas avoir la réponse unique. On essaye tous plus ou moins à notre échelle. Nous on fait de notre mieux. Et puis il ne faut pas oublier que l’on part de 0, ce qui est un luxe. Certaines entreprises ont des racines extrêmement profondes dans le siècle passé. Donc même si elles essayent de faire sortir 2 bourgeons dans le nouveau siècle, les gens n’y croient pas. 

Les salariés ne sont pas désengagés, ils veulent travailler pour construire un monde qui leur semble plus cohérent avec l’avenir. Il faut que l’entreprise soit prête à mourir et à se réaligner pour proposer quelque chose d’autre. Certes, on est une petite boîte, on n’a pas 100000 salariés qu'on va mettre à la porte, mais c'est culturel. Peut-être qu'on va mourir demain et on prendra toujours des choix qui seront ceux qui nous semblent les plus importants pour l'impact, même si ce sont les plus risqués ou potentiellement ceux qui vont nous tuer. Je crois que c'est le rôle d'une entreprise aussi, d'être au-dessus des individus. Permettre aux individus de passer et à la mission de rester. 

Et quand la mission est passée et que les individus restent, ce n’est plus une boîte, c'est un échec.

Et si on se parlait du futur et des projets à venir : Team For The Planet « augmentée » en quelques mots ?

La mission plus forte que les individus, donc se structurer suffisamment pour que les cofondateurs deviennent inutiles et que Team For The Planet fasse se questionner un certain nombre de mécaniques au niveau gouvernemental et au niveau économique.

Arthur « augmenté » en quelques mots ? 

Je sais exactement pourquoi je me lève le matin, je suis vraiment aligné avec ça : j'ai envie que le rapport de l'être humain avec la nature change. J'aimerais contribuer à ce que l'humain regarde la nature autrement et qu'il apprenne à passer d'exploitant à gardien. Et ça c'est mon combat. La façon dont je le fais avec Team For the Planet n’en est qu’une, il y en a plein d'autres. J’ai aussi envie de sortir de certaines dissonances, qui consistent notamment à passer trop de temps devant un écran alors que ma raison d'être, c'est la nature, à toujours devoir accélérer alors que je suis convaincu qu'il faut ralentir. Ces dissonances sont pour l'instant, tenables parce que je suis dans une configuration qui fait sens. 

Quand Team For The Planet sera plus grand sans moi et c’est l’objectif, il sera temps de partir et j’ai en tête le projet de me rapprocher de la nature pour y passer encore plus de temps.

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